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CINEMA von VoltaireOnline.eu
Andreas Dresen -réalisateur-©VoltaireOnline
7ième CIEL (WOLKE 9)
INTERVIEW DE ANDREAS DRESEN REALISATEUR - par Miriam Larson & Stefan Ferney-
Pourquoi avez-vous réalisé ce film ?
©VoltaireOnline
Je crois que la passion, la douleur, l'enthousiasme ou l'abattement sont des sentiments qui concernent aussi bien les anciennes générations que les jeunes générations. Je trouve curieux que dans une société dans laquelle on vit de plus en plus vieux, les personnes âgées n'aient pas le droit de prendre de nouveaux départs dans leur vie. Ceci laisserait à croire que l'on cesserait d'être actif -sous une forme ou une autre- quand on arrête de travailler vers la soixantaine. Je trouve ceci singulier. J'ai eu en effet, l'occasion de constater à travers de nombreux exemples, que la réalité contredit totalement cette manière de voir. Il était pour nous dans ce film fondamental de montrer ces morceaux de vie avec tout ce qui les accompagne : l'amour, la souffrance, la sexualité.
Pourquoi l'âge est perçu à votre avis dans nos sociétés, comme un critère négatif ?
©VoltaireOnline
Quand on est âgé, il est inévitable d'avoir des rides, des taches de veillesse, de nous dégrader et de nous rapprocher peu à peu de la mort. Je crois en vérité, que nous avons tous peur de la mort et que nous évacuons ce sujet de l'âge de nos vies quotidiennes. On élimine ce thème de nos vies, car ceci signifie que l'âge nous rapproche de la fin. Ceci est un élément à considérer, mais d'autre part, nous sommes aussi à la recherche d'idéaux. Les titres des magazines "brillants d'éclats" nous font miroiter l'éternelle jeunesse. Les femmes doivent faire disparaître leurs rides avec du botox et les hommes leur embonpoint pour conserver un ventre plat à 60 ans. Je trouve tout ceci absurde et peut-être un film, comme Wolke 9 / Septième Ciel peut contribuer à faire disparaître la peur de devenir âgé. On peut constater à travers cette histoire que même âgé, on peut connaître des surprises, que des choses peuvent survenir dans une vie apparemment planifié.
La nudité est vécue en France différemment qu'en Allemagne -où il est plus courant de montrer son corps-. A votre avis, les spectateurs ne risquent t-il pas de réagir différemment par rapport aux images de nudité du film ?
©VoltaireOnline
Pour être franc, je ne connais pas assez le public français pour me permettre d'avoir une opinion. La nudité dans ce film ne joue qu'un rôle secondaire. Au début du film, il y a des scènes de sexualité, car ceci fait partie de la vie normale entre deux êtres. En premier lieu, il s'agit d'une histoire d'amour, la sexualité fait donc partie de cette relation amoureuse, à l'instar d'un couple plus jeune. A cet égard, ces scènes sont pour nous importantes. En effet, il n'y a pas à avoir honte de montrer des corps âgés, sur lesquels la vie a laissé ses traces. Toutefois, nous avons tourné ces scènes avec discrétion pour respecter la dignité des personnes.

Pensez-vous que votre film contribue à mettre en valeur les qualités liées à l'âge ?
©VoltaireOnline
J'espère que ceci serait possible, mais je ne veux pas surestimer la portée d'un film. Je crois qu'un film peut raconter une histoire d'une manière vivante : un film peut toucher le public, l'amener à pleurer ou à rire. Un film peut-il changer le monde ? J'avoue en douter, ceci serait trop demander à un film. Peut-être des spectateurs se laisseront emmener par le scénario, découvriront ces personnages âgées vivant une histoire forte. Ensuite, ils se regarderont peut-être différemment et oublieront un peu leurs propres peurs. J'espère que ceci contribuera à changer le regard sur les personnes âgées: ce ne sont pas des créatures asexuées dans lesquelles rien ne se passe plus. Tant qu'un coeur bat en nous, nous pouvons entreprendre des choses. Les corps veillissent, mais pas les esprits. Nos sentiments restent intacts et on peut encore redémarrer une histoire d'amour à 80 ans, comme on le ferait à 18 ans. En effet, il existe de belles histoires d'amour entre personnes âgées. J'ai beaucoup lu et entendu sur ce thème. Des études montrent que des personnes peuvent pour la première fois connaître une sexualité épanouie à 70 ans . En effet, certaines personnes de 70 ou 80 ans réussissent à avoir plus de plaisir qu'auparavant, car ils peuvent consacrer plus de temps à l'autre. Ils ne sont plus sous la pression d'une performance, se regardent différemment et peuvent s'engager dans une nouvelle relation. Il ne s'agit plus seulement d'avoir un orgasme. Ces éléments sont trés importants. Il reste heureusement encore des choses à cet âge sur lesquelles on peut se réjouir.
Comment-expliquez-vous la réaction aussi dramatique du mari du mari de Igne?
©VoltaireOnline
Assurément, les sentiments sont restés importants, même si on est amoureux à 70 ou 80 ans. Ceci a aussi des conséquences différentes quand on tombe amoureux à 70 ans ou à 40 ans par exemple. Le chemin restant à parcourir n'est plus aussi long, les pendules battent un peu plus plus vite. Ainsi, les événements impactent sa vie plus violemment. Les personnages dans le film nous le rappellent souvent par des répliques comme "Je n'ai plus autant de temps". Ce temps met les personnages sous pression. Quand on est quitté par son mari ou sa femme à 70 ans, il ne reste plus énormément de temps pour réagir et refaire sa vie. Ceci était important de décrire dans ce contexte, les conséquences de cette histoire d'amour. Il peut avoir de trés fortes conséquences : les personnes peuvent être brisées et ne plus pouvoir supporter la douleur. Ces facettes différentes font partie de cette histoire et la douleur fait partie de cet ensemble.
Pouvez-vous nous parler de votre carrière et des raisons qui vous ont amené à être réalisateur ?
©VoltaireOnline
J'ai grandi en DDR et suis issu d'une famille exerçant des activités dans le théâtre. Mon père est metteur en scène et ma mère actrice. J'ai commencé relativement tôt à réaliser des films amateurs avec une caméra super 8. A cette époque, j'étais encore à l'école. Ainsi m'est venu le souhait de rentrer dans une école de cinéma. En DDR, il n'y avait que l'école de cinéma à Potsdam Babelberg. Ce constituait la seule possibilité de suivre des études des metteur en scène. J'ai échoué une première fois au concours, la seconde fois, j'ai réussi à intégrer l'école. C'était un parcours compliqué pour rentrer dans cette école, car il n'y avait que 10 étudiants admis tous les deux ans. Tous les jeunes gens qui voulaient suivre des études de cinéma venaient de tout le pays pour se présenter au concours d'admission. J'ai donc essayé en 1981 de concourir sans succès et ai réussi seulement en 1986 à faire partie de l'école. Il s'agissait d'un parcours d'obstacles avec de nombreux examens. Cette période d'études était heureuse, car mes études ont correspondues à une période de changements. Le Directeur Lothar Bisky, actuellement Président du "Linkspartei" en Allemagne, a mené une politique ouverte et transparente, s'est beaucoup investi pour les étudiants. Cette période d'études a été excellente et m'a permis de trouver le bon rythme. Lorsque mes études furent terminées, le contexte avait changé, on imprimait un tournant nouveau accompagné par la chute du mur. Je me trouvais avec mes camarades devant un marché du cinéma réuni en une seule Allemagne. Nous devions mettre en place de nouvelles conditions de production. Ceci n'a pas été facile, mais j'ai trouvé des partenaires qui m'ont aidé à tourner mes premiers films. Ceci était en 1991-1992. Il s'agissait d'un film ayant pour thème la DDR et son changement. L'action se déroulait dans un petit théâtre. Ce film fut regardé positivement par les gens du cinéma et j'ai eu ainsi la possibilité de continuer. En premier lieu, j'ai travaillé pour la télévision où j'ai pu acquérir des expériences enrichissantes, et à partir de 1998, je me suis consacré au cinéma. J'ai essayé de trouver un autre style, une autre manière de raconter les histoires, grâce à une structuration ouverte à l'improvisation. Nous avons essayé d'improviser à travers des histoires sans scénario prédéfini. "Wolke 9" est un film que nous avons commencé à tourner avec cette organisation ouverte. Nous avons travaillé avec seulement 7 personnes et nous n'avions pas de script des dialogues. Les acteurs ont été tous associés pour imaginer et produire l'histoire du film. Il s'agit d'une manière de travailler que j'aime particulièrement et permet de concevoir un film comme une sorte d'aventure.
Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiants européens qui souhaiteraient travailler dans une équipe de tournage?
©VoltaireOnline
Je pourrai conseiller de présenter sa condidature auprès de productions réalisant beaucoup de films pour augmenter la probabilité d'être accepté. En effet, si on s'adresse à des réalisateurs particuliers, le désavantage est que les réalisateurs tournent en général "rarement". Une société de production met en place un nombre plus important de films et ceci permet de concerner plus de films. Quand une candidature interesse un réalisateur en particulier, ceci risque d'entraîner une attente importante pour tourner. Par exemple, je ne réalise pas un film chaque année. Beaucoup de candidatures me parviennent; pour la plupart, je suis contraint de les refuser. Quand on veut arriver rapidement à son objectif, le mieux est de s'adresser à une grande société de production produisant des bons films et suscitant la confiance aux étudiants interessés. S'adresser au réalisateur exige beaucoup de patience.



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